Le chemin de fer

Infrastructures

L’avènement du chemin de fer sera on ne peut plus complexe dans la Baie-des-Chaleurs. La voie ferrée atteint seulement Caplan en 1894.

 

Tracel au-dessus du ruisseau Leblanc. Source : inconnue.

Les deux ponts ferroviaires du Ruisseau qui se chevauchent! Source : Ronald Poirier.

Le chemin de fer

 

L’implantation du chemin de fer se déroule en plusieurs temps dans la région. Trois tronçons sont développés par différentes compagnies :

 

  • De Halifax à Matapédia, c’est l’Intercolonial (1876);
  • De Matapédia à New Carlisle, c’est le Quebec Oriental Railway (1898);
  • De New Carlisle à Gaspé, c’est l’Atlantic Quebec & Western Railway (1912).

 

En 1876, le chemin de fer Intercolonial relie Lévis à Halifax en passant par Matapédia, ce qui contribue à ouvrir la colonisation de la vallée de la Matapédia aux anciennes paroisses du Bas-du-Fleuve. Si Matapédia est desservie par le train dès 1876, il n’en sera pas de même pour les autres villages de la Baie-des-Chaleurs, qui devront attendre jusqu’au début du siècle suivant pour être raccordés à la ligne nationale. Cet événement, marqué par de nombreuses fraudes et successions de compagnies, est connu comme le Scandale de la Baie-des-Chaleurs. Néanmoins, le train arrivera tant bien que mal au compte-goutte dans chacun des villages, stimulant le développement économique.

 

 

Coupure de presse du Soleil, 6 décembre 1897.

Direction Caplan

 

Le chemin de fer atteint officiellement Caplan en 1894. Il faut cependant attendre 1897 pour que celui-ci se rende au Ruisseau-Leblanc. Le tracel est construit cette année-là, comme le souligne un article du journal Le Soleil daté du 6 décembre 1897.

 

Selon Kathy Brière, « le train devait ensuite changer de direction et retourner vers Campbellton. Pour se faire, on devait embarquer le train sur une table ronde tirée par des bœufs. Mon arrière-arrière grand-père Frédéric Brière était celui qui s’en chargeait en 1896 et 1897. ». En 1900, le train se rend à New Carlisle.

 

Selon Pauline Gallagher, « Caplan fut le terminus du chemin de fer, on avait construit un large hangar qui abritait les locomotives durant la nuit. Une table tournante servait à faire pivoter la locomotive. Celle-ci ne fonctionnait que dans une seule direction. On utilisait un boeuf pour mouvoir la plate-forme. ».

Coupure de presse du déraillement du train.

L’accident de 1933

 

Une tragédie ferroviaire a lieu en 1933 à Caplan. Selon Pauline Gallagher, « Le 16 décembre 1933, un train voyageur en provenance de Matapédia et en direction de Gaspé dérailla à Caplan est, et la locomotive numéro 1125 du train 35 tomba à la mer, d’une hauteur d’environ 60 pieds entraînant la mort du mécanicien, M. John Allard de New Carlisle. Cinq minutes après le départ de la gare de Caplan, la charrue dérailla du côté nord en heurtant un amas de terre gelée ou un dormant. Sous le choc, elle revient du côté sud et fit dérailler la locomotive qui se décolla du tender (fourgon à charbon), piqua du nez et tomba en bas du cap d’une hauteur de 70 pieds. L’abbé Alcide Bourdages, qui était du nombre des passagers, descendit à mi-chemin dans le cap et fit les prières pour celui qui était mort. Une locomotive venant de New Carlisle est venue chercher le reste du train avec ses passagers après un arrêt de 3 heures, car il a fallu réparer les rails. La locomotive fut remontée de la falaise au printemps. On installa des rails dans le Cap et le CN envoya une crane de Campbellton qui la remonta. Elle fut réparée et reprit son même trajet de Matapédia à Gaspé pendant plusieurs années. Le conducteur, M. John Allard, y trouva la mort, n’ayant pu se dégager de toutes ces ferrailles pour sauter du bon côté. Sa mort fut instantanée. Le chauffeur, Wilson Crozier, se trouva à demi inconscient sur une banquise de glace, étendu sur le dos, les pieds à l’eau. On s’empressa de secourir ce dernier. ».

 

Certains citoyens apportent la précision que le train aurait frappé un chasse-neige, ce qui l’aurait fait dévier de sa trajectoire.

 

Un article datant du 18 décembre 1933 rapporte que la locomotive aurait déraillé de 60 pieds et était précédée d’un chasse-neige qui roulait à gauche de la voie, dans le sens opposé à celui de la locomotive.

 

Dans le livre Souvenirs et rappels historiques de Lionel Allard, on peut lire au sujet de l’accident:

 

« Je ne puis oublier le sort tragique de l’oncle John. C’était le 16 décembre 1933, pendant une tempête de neige. Il conduisant le train no 36 se dirigeant vers New Carlisle et il avait reçu de Matapédia l’ordre d’installer un chasse-neige devant la locomotive. À Caplan, cet engin a déraillé entraînant la motrice dans sa chute d’une falaise haute de dix mètres. Il fut la seule victime de cet accident spectaculaire. Le drame est d’autant plus poignant qu’il avait décidé de prendre sa retraite au cours du prochain été. Il avait consacré toute sa vie au chemin de fer de la Baie des Chaleurs. Je le revois grand et maigre, plutôt froid et réservé, mais tellement généreux. ».

 

Selon une citoyenne qui fait de la plongée en apnée, Anick Lepage, plusieurs débris ferroviaires sont toujours pris dans le fond de la baie et peuvent être observés aujourd’hui.

Le tressel vers 1900. Source : inconnue.

Le « tressel », ou une vue imprenable sur la baie

 

Dans un article de La Presse daté du 21 août 1906, le tressel du Ruisseau Leblanc est abordé dans des termes très élogieux:

 

« À Saint-Charles de Caplan, la voie ferrée traverse un des sites les plus remarquables de son parcours. Elle passe sur le ruisseau Leblanc, immense tranchée ayant plus de 350 pieds de longueur sur 70 de profondeur. Ce viaduc est une structure en fer qui mérite l’attention du voyageur. La vue que l’on a, de ce point, de la baie des Chaleurs est véritablement grandiose. La baie, à St-Charles de Caplan, est dans sa plus grande largeur. Au-dessous de la voie, dans le fond du ravin, on aperçoit les vestiges des antiques habitations de pêcheurs. La pêche au hareng est toujours fort abondante, à Caplan. ».

 

Le pont ferroviaire du Ruisseau Watt, communément appelé le « tressel » par les citoyens, était fait de bois. Selon plusieurs citoyens, « après qu’il ait plu, il sentait le bois goudronné ».

Le pont Le Ruisselet, reconstruit récemment. Source : inconnue.

Deux nouvelles infrastructures ferroviaires

 

Avec le projet de réhabilitation du chemin de fer de la Gaspésie, les infrastructures ferroviaires se modernisent:

 

  • un nouveau pont ferroviaire est terminé en 2021 à Caplan (Le Ruisselet) et
  • en 2023 au Ruisseau-Leblanc (CIEU-FM, 28 février 2022).

Le beu à Wing tel que présenté dans le livre du Centenaire.

Le Beu à Wing

 

L’industrie forestière a propulsé le développement de nouvelles technologies pour faciliter le travail des bûcherons. Parmi celles-ci, soulignons le « beu à Wing », sorte de voiture propulsée par la vapeur et roulant sur des chenilles. Le trajet de cette locomotive passait un peu à l’ouest de l’actuelle rue des Érables.

 

Selon la monographie du village de Saint-Alphonse,

« Pour transporter les billots vers la station de Caplan, on se servait d’un drôle d’engin dit le beu à Wing. C’était un engin à vapeur qui fonctionnait mieux sur fond de glace, on y plaçait à l’arrière les sleighs, puis on le chargeait de bois en longueur. Son chemin était tracé en ligne droite puisqu’il ne pouvait pas faire les croches. D’ailleurs, c’est l’origine de l’actuelle route de Caplan à partir du rang 4 vers le sud. ».

 

Un autre témoignage d’Antoine Babin dans Il y a cent ans que je t’aime: Saint-Alphonse:

 

« Je me rappelle du Beu à Wing, c’était fait en bois et ça se chauffait au « stream ». Ils mettaient trois ou quatre paires de « sleighs » en arrière, ils chauffaient ça la nuit, puis ils descendaient à travers du bois et sortaient à Caplan, à la station, à la même place qu’à c’te heure on passe pour la route droite ».

La gare chez Moni Dion. Source : inconnue.

La gare de Caplan

 

La première gare de Caplan était située dans la route Dion. On l’appelait parfois « chez Moni Dion ». Elle aurait déménagé à New Richmond, ou aurait été démolie; toutefois, les sources se contredisent.

 

La première gare se construit au moment où le train atteint Caplan, soit en 1894. C’est la compagnie du Chemin de fer de la Baie-des-Chaleurs qui la fait construire (Le Monde illustré, 23 mars 1895).

 

Gérard Lepage se rappelle:

 

« Enfant, j’allais souvent à la gare de Caplan. Mon cousin Jean Lepage (frère d’Eugène) demeurait en face de chez mon père. J’allais à la gare avec lui pour chercher les marchandises destinées au magasin général. Tout arrivait par le train. Durant les années 1947-1950, mon cousin utilisait la voiture à cheval pour transporter ces marchandises. J’adorais accompagner mon cousin d’une vingtaine d’années plus âgé que moi. Mon cousin Jean m’a souvent raconté l’anecdote suivante ; j’avais environ 4 ans. Je marchais sur le quai de la gare en attendant le train. J’avais ramassé une allumette en bois qui traînait sur le quai de la gare. En attendant le train, je faisais semblant de fumer une cigarette en utilisant cette allumette en guise de cigarette. Jean m’a demandé ce que je faisais. Je lui aurais répondu que je faisais mon homme. Fumer m’avait sûrement apparu comme un signe de virilité. Autre temps autres mœurs. Jean m’a raconté cette anecdote à plusieurs reprises. J’étais devenu adulte et il me racontait toujours cette histoire en riant de bon cœur. ».

 

Une nouvelle gare est subséquemment construite sur la rue des Érables. Elle est ensuite démolie vers 2003. Même si la gare a disparu à ce moment, il était toujours possible de prendre le train à partir de Caplan quelques années suivantes.

 

La dernière cheffe de gare était Patricia Bourdages Babin.

Gare du CN de Caplan. Source: Via Rail.