La pêche
Industries et commerces
La pêche était pratiquée, à Caplan, le plus souvent en complément des activités agricoles et forestières. Toutefois, il va sans dire que le village s’est doté, avec le temps, d’infrastructures importantes pour supporter cette industrie: quais, syndicats, havres, congélateurs… Petite escale, ici, dans le cœur des activités halieutiques des Caplinots et Caplinoises.

Quai du Ruisseau-Leblanc en 1971. Source : Hugues Chicoine.

Tranchage de la morue au quai de Caplan près de la rivière. Au premier plan Laurent Querry et à l'arrière plan M. Benoit Babin (casquette de cheminot) dans les années 40. Source : Gilles Querry.
Un peu d’histoire
Caplan se démarquera rapidement comme région agricole d’importance et une paroisse de colonisation d’envergure. Contrairement à d’autres régions, les pêches ne représenteront pas une activité économique d’envergure (bien qu’on présente souvent ses retards de colonisation comme dus au fait que la population s’adonne à la pêche, à la fin du 19e siècle (Le journal des campagnes, 10 juin 1899).
Outre le hareng, la morue et les coques, un peu de pêche à la truite est pratiquée dans la rivière Caplan (La Gaspésie : histoire, légendes, ressources, beautés, p. 78) en 1933. On pêche aussi le saumon et le homard.
En 1936, il y a moins de 5 à 10 % de la population de Caplan qui œuvre dans la pêche (L’Est du Canada français: province de Québec). D’ailleurs, dans l’Inventaire des ressources naturelles et industrielles de 1937, on indique qu' »une seule barque est employée régulièrement à la pêche, et seulement deux ou trois sont utilisées de temps à autre. La pêche est donc presque nulle dans cette municipalité. ».
Aujourd’hui, la pêche représente davantage une activité culturelle et familiale qu’une activité de subsistance. Pourtant, les souvenirs des citoyen.ne.s en lien avec la pêche sont bien vifs!

Des personnes coupent le poisson au quai de Rivière-Caplan en 1945. Source : Musée de la Gaspésie.
La morue
La pêche à la morue n’était pas autant lucrative qu’à l’est de la péninsule gaspésienne, mais était néanmoins très importante à Caplan, et les citoyens procédaient à sa transformation (tranchage, salage, etc.), jusque dans les années 1960, au moins.
Selon Gérard Lepage, « Je me souviens que mes oncles pratiquaient cette activité (NDLR: la pêche à la morue). Souvent, ces morues étaient entassées dans les tonneaux pour l’hiver. J’ai vu mon oncle saler des morues. Du sel dans la morue, puis une rangée de sel entre chaque rang de morues. Même procédure avec les tonneaux de harengs. Également, on faisait sécher de la morue salée. Les plus vieux d’entre nous se souviennent de ces grands treillis sur lesquels on étendait des morues salées qui séchaient au soleil. Les Gaspésiens nommaient ces installations des vigneaux. ».
Au magasin du père de Gérard Lepage, on a déjà dit que Fred Poirier et ses gars avaient attrapé une morue de 105 livres !

Les vigneaux de Caplan, photographiés dans le journal Le Soleil, 14 juin 1975.

Des personnes lavent le poisson à la Neigière. À droite en avant-plan, Laurent Querry, fils du premier maire de Caplan David Querry. L’homme de gauche est Benoît Babin, et le deuxième homme à casquette derrière est son fils Paul-Émile. Source: Georges Audet.

Les coques
Selon Ronald Poirier, dans la batture du quai du Ruisseau-Leblanc, on allait à la pêche aux coques! « Et la batture intérieure où j’ai appris à pêcher les coques avec mon grand-père Arthur ».

La petite cabane à boucaner, près du ruisseau Querry. Source : Marc-André Poirier.
Le hareng
Dans Le Progrès du Golfe du 10 juillet 1908, on peut lire qu’à Caplan, « au dessous de la voie, dans le fond du ravin, on aperçoit les vestiges des antiques habitations de pêcheurs où chaque été encore, on moissonne le hareng en quantité considérable dont l’on fait de l’engrais agricole ».
Par ailleurs, le hareng était évidemment utilisé comme nourriture. De nombreux citoyens se rappellent d’avoir été chercher du hareng fumé ou « boucané » chez Ti-Jo!
En haut du ruisseau Querry se trouvait une petite cabane pour boucaner le hareng, comme le montre la photo ci-contre. André Audet se rappelle d’un « voyage de 3 300 lbs (NDLR: de hareng) que j’avais été porté au frigidaire de Carleton. Si je me souviens bien, c’était les Japonais qui l’achetaient. Le deuxième voyage, il y avait 3 100 lbs mais ils ne l’avaient pas pris. J’avais fait du porte à porte pour en vendre. J’avais réussi en vendre quelques pans. Les pans de ce temps là étaient un peu plus petites que aujourd’hui ».

Frigidaire au village dans les années 1940. Source : Alain Arsenault.
Les entrepôts frigorifiques
Les deux entrepôts frigorifiques de Caplan, situés au Ruisseau-Leblanc et au village, se seraient construits respectivement en 1942 et 1946.
En même temps que les pêcheurs de Caplan semblent stocker leur poisson dans des congélateurs, ils semblent également acheminer leur marchandise dans l’entrepôt de Carleton. Dans tous les cas, les entrepôts construits en 1942 et 1946 l’ont été sous l’initiative de l’Union nationale, qui construit et reconstruit 40 entrepôts frigorifiques et 44 neigières entre 1944 et 1960 (Sous l’Union nationale, 1960).
En 1968, Québec projette de fermer ses entrepôts frigorifiques en province, déclarant que ceux-ci « n’ont plus de raison d’être dans les pêcheries ». Depuis une vingtaine d’années, la Coopérative de Caplan utilise le sien pour y stocker ses denrées, dont la viande. De même pour la beurrerie de Bonaventure, qui utilise le sien pour entreposer le beurre mis sur le marché 12 mois par année. L’UCC propose que le ministère de l’Agriculture prenne à sa charge les entrepôts de Bonaventure, New Richmond et Caplan (La terre de chez nous, 17 avril 1968). Une autre solution envisagée est que les pêcheurs acquièrent leur bâtiment pour 1 $ (Le Soleil, 3 avril 1968). Malheureusement, ces solutions ne semblent pas retenues, et tous les entrepôts frigoriques ferment avant le 1er juillet 1968.

Entrepôt frigorifique de Caplan en 1952 photographié par E. L. Désilets. Source: BAnQ.

Entrepôt frigorifique du Ruisseau-Leblanc. Source : BAnQ.
Celui de Ruisseau-Leblanc
Dans L’Action catholique du 13 mars 1942, on apprend la construction d’un entrepôt frigorifique au Ruisseau-Leblanc pour les pêcheurs de Caplan et du Ruisseau. Il y a cependant mention de l’existence d’un entrepôt frigorifique dès 1937 à Saint-Siméon dans l’Inventaire des ressources naturelles et industrielles du comté de Bonaventure. Il semble ainsi y avoir des entrepôts frigorifiques aux deux endroits (Saint-Siméon et Ruisseau-Leblanc).
Toujours en 1942, l’entrepôt frigorifique du Ruisseau-Leblanc opère sous la direction des Pêcheurs Unis (Le Soleil, 18 décembre 1942). Il subit des agrandissements en 1944 (L’Événement-journal, 17 mai 1944).
Par ailleurs, en 1951, un nouvel entrepôt frigorifique est édifié au Ruisseau-Leblanc (Le Soleil, 17 septembre 1951).
Comme nous l’avons signalé plus haut, en 1968, Québec ferme ses entrepôts frigorifiques, mais puisque celui du Ruisseau-Leblanc est géré par les Pêcheurs-Unis, celui-ci semble se maintenir un peu plus longtemps.
Onde de choc en 1981 : le ministre Jean Garon visite l’entrepôt à l’improviste et y découvre plusieurs usages du congélateur non autorisés: y sont préservés de la viande, de la bière, de la liqueur, et même… un ours! (Le Soleil, 8 juillet 1981). La même année, le gouvernement péquiste appose sa signature pour la fermeture de l’entrepôt du Ruisseau-Leblanc (Le Soleil, 8 avril 1981).
Nos citoyens se rappellent bien de cet épisode: selon Richard Poirier, « Le Frigidaire, souvenons-nous, a été démantelé, quand Jean Garon, ministre des pêcheries, était au pouvoir, et c’était donc avec le Parti Québécois, élu en 1976, donc après cette année-là. ». Selon Richard Robichaud, « c’est le ministre Caron qui a fait fermer le frigidaire et l’a fait défaire dans les années 1978 ».
Selon Réjeanne Henry, c’était Léopold Poirier, Henry Appleby, Joseph « Jos » Paquet et Thierry Appleby qui s’occupaient du frigidaire du Ruisseau-Leblanc. Selon Hélène Babin Robidoux, il aurait ensuite été reconverti en casse-croûte. Quand a-t-il été démoli officiellement? La question demeure ouverte.

Le frigidaire du village en 2019. Source : Sylvie Babin.
Celui de Caplan
Dans La Gazette officielle du Québec du 26 mars 1904, on apprend l’incorporation de la « Société du Congélateur de Saint-Charles de Caplan », qui regroupait également des pêcheurs du Ruisseau-Leblanc: Ulric Dion, François Bujold (Tobie), William Brière, Alexis Bujold, Frédéric Brière, Louis Arsenault, T. Martin Bujold, Raymond Arsenault, Isidore Bourdages, Félix Bernard, François Poirier, Guillaume Landry, Jean Brière, Lazare Bujold, Joseph Babin (Salomon), Pierre Bourdages, Herménégilde Robichaud, Pierre Appleby, Adelme Boudreau, Edmond Briand, John Hughes, Napoléon Arsenault (Laz),Thomas Poirier Oxybé Poirier, Charles Bourdages, Alex. Babin (Polycarpe), Sylvestre Poirier, P. Z. Leclerc, de Saint-Charles de Caplan, Stanislas Babin, François Xavier Babin, Napoléon Poirier, Joseph Garant, Marcellin Poirier, Joseph Babin (Angèle), David Querry, Alexis LeBlanc, James Bourdages, Peter Bourdages (Sinaï). Denis Babin, Joseph Bourdages, Napoléon Bourdages, Joseph Leclerc, Narcisse Babin (Alex), Daniel Babin, de Rivière Caplan, Jean Louis Bujold, Lévi Bujold et Frédéric Ferlatt, de Ruisseau-Leblanc. Dans un article du journal Le Canada du 8 août 1905, on apprend qu’il y a déjà un entrepôt construit à Caplan cette année-là. C’est donc vraisemblablement cette société qui le fait construire.
Dans Le Soleil du 2 octobre 1945, on apprend que la Coopérative La Fraternité revendique au ministère de l’Agriculture et des Pêcheries la construction d’un entrepôt frigorifique à Caplan pour entreposer des produits agricoles. Coup de chance, le gouvernement fait l’annonce en 1946 qu’un entrepôt à la valeur de 75 000 $ sera imminemment construit au profit de La Fraternité et « dont l’utilité s’étendra à toute la péninsule gaspésienne » (L’événement-journal, 24 juillet 1946). Ce sera effectivement le cas. L’entrepôt frigorifique de Caplan se construit en 1946 (Annuaire statistique, 1948). En 1954, la coopérative loue des casiers dans cet entrepôt (La terre de chez nous, 1er septembre 1954).
En 1962, l’UCC réclame l’aménagement de chambres froides dans l’entrepôt frigorifique de Caplan qui seraient dédiées à l’entreposage des animaux abattus (L’Action catholique, 23 février 1962). En effet, la Coopérative La Fraternité offre pendant quelques années des services de débitage, mais le partage des casiers et l’étroitesse du bâtiment fait en sorte que la manutention de la viande est plutôt anti hygiénique, et on réclame la construction d’un nouveau bâtiment. Les doléances se poursuivent en 1963, alors que l’on demande plutôt un agrandissement au bâtiment (Le Soleil, 10 janvier 1963).
En théorie, comme nous pouvons le lire plus haut, les entrepôts frigoriques ferment avant donc le 1er juillet 1968. Toutefois, la Société du Congélateur de Saint-Charles de Caplan ne se dissout qu’en 1978 (La Gazette officielle du Québec, 8 avril 1978).
Jean-François Chicoine se rappelle bien du frigidaire : « À chaque été, ça ne ratait jamais, ma grand-mère m’envoyait chercher un morceau de lard salé au frigorifique. Je montrais mon 10 cennes et l’homme me remettait un morceau. ».

La Neigière de Caplan. Source : Radio-Canada.
Et la Neigière?
Parallèlement aux congélateurs, on développe aussi des neigières dans la région, soit des petits bâtiments construits par les citoyens dans lesquels on entrepose de la neige à l’année pour y conserver le poisson. En 1932, on en dénombre pas moins de 89 autour de la péninsule! Caplan a l’immense chance d’avoir une neigière toujours debout, située au 370, boulevard Perron Ouest.
Selon Vivien Garant, « La Neigière est située à la plage de rivière Caplan. Elle a été construite pour entreposer le poisson et des agrès de pêche. Elle avait des murs doubles isolés avec de la ripe de bois provenant du moulin de mon grand-père Thimothé et de mon père Léo Garant. On y entassait de la neige l’hiver et ça servait comme un grand réfrigérateur avant l’électrification. ».
La date de construction de la Neigière est ambiguë. Selon Louis-Paul et Pierre Audet, « La Neigière a été construite par le gouvernement canadien dans les années 1950 elle a ensuite été vendue à Joseph Audet en 1965 pour 111 $ », mais l’année exacte de sa construction demeure inconnue.
En 2010, la Neigière est repeinte et rénovée par ce qui semble avoir été une corvée initiée par les conseillers d’alors, Valérie Dumont et Louis-Paul Audet. Les bénévoles ayant participé à cette corvée sont Catherine Poirier, J. Réal Babin, Louise Poirier, Marlène Bourdages, Georges Audet, Nadine Audet, Marie-Pier Audet, Marie-Ève Audet et Réjeanne Henry.
La Neigière figure aujourd’hui dans le Répertoire du patrimoine culturel du Québec, puisqu’elle a été citée « Immeuble patrimonial » par la municipalité de Caplan en 2006. L’entrée de la Neigière dans ce répertoire peut être consultée ici.

Le quai du village à une date inconnue. Photo prise par Robert Pike et offerte par Dorisse Forest.
Les 3 havres
Il y a eu trois quais majeurs à Caplan : un au Ruisseau-Leblanc, un au village et l’autre à la plage de la Rivière. Cependant, il y a eu beaucoup de petits quais par le passé, certains pouvant même être aperçus sur des photographies anciennes.
Au village
Selon Kathy Brière, en 1861, avant même que Caplan soit fondé, Frédéric Brière était déjà propriétaire du lot ou la plage du village est situé. Sa maison était située où est la rue des Peupliers aujourd’hui. Il a vendu la partie est de la plage pour $1.00 au gouvernement en 1904 pour la construction du quai. Par ailleurs, au village, dans la partie généralement entendue comme « Saint-Charles » dans les archives, un nouveau quai et un brise-lame sont aménagés en 1905, en plus d’un nouveau congélateur, d’un service de bateau, et d’une descente à la grève pour les pêcheurs (Le progrès du Golfe, 22 septembre 1905).
Le quai fut ensuite allongé par la suite dans les années 1950. Le petit bâtiment adjacent au quai s’appelait « le chafaud », selon Gustave Bourque. Le quai du village était un carrefour important de pêche, se rappellent les citoyens. « Les barges venaient accoster pour vendre du poisson, principalement de la morue; mon grand-père descendait « à la côte » avec sa chaudière pour aller acheter de la « cambuse » et je suivais derrière. On plongeait aussi au bout du quai. Que de merveilleux souvenirs », raconte Michelle Chicoine. C’était également l’endroit où s’arrêtaient les bateaux pour livrer de la marchandise, dont pour monsieur J. A. Gendron. Les pêcheurs, comme Évariste Bourque, se préparaient à aller en mer.
On pouvait aussi se baigner à partir de ce quai. Selon André-Gilde Poirier, « Lorsque nous étions de jeunes garçons, on allait se baigner au grand quai du village. On prenait plaisir de plonger du quai surtout lorsque les touristes lançaient des pièces de monnaie à l’eau. Il fallait voir quatre ou cinq petits gars plonger en même temps dans l’espoir de récupérer cette pièce de monnaie. ».
On se servait également du quai pour entreposer la pitoune. C’est aussi là qu’on y aurait construit le phare, appelé par les citoyens « la light à Ti-Frank ».
Le quai du village aurait été démonté dans les années 1970. Selon Paul Laviolette, « Le quai de Caplan au village était plus grand que ça quand les bateaux venaient charger de billes de bois (appelées « pitounes »). C’était dans les années 50 à 60 quand nous restions à Caplan près de la gare. Depuis ces années, le quai a perdu de sa notoriété et fut laissé à l’abandon. ».
La plage adjacente au quai a appartenu à la famille Brière jusqu’en 2018. Elle faisait partie du complexe de l’hôtel Gaspésien. Sur certaines cartes postales, on peut même voir la mention de « Plage privée ». En 2018, la plage a été officiellement cédée de la famille Brière à la municipalité. Malgré son statut privé, elle a toujours été utilisée comme une plage publique, et ses propriétaires Arthur et Guy Brière la nettoyait lors des grandes années de l’hôtel.

Le havre du Ruisseau-Leblanc. En bleu, le frigidaire. En rouge, une usine, et en vert, le bâtiment de Pêcheurs-Unis. Source : inconnue.
Ruisseau-Leblanc
En 1905, un brise-lame est construit au Ruisseau-Leblanc, de même qu’un nouveau pont en fer (Le progrès du Golfe, 22 septembre 1905). Le havre du Ruisseau-Leblanc était doté de plusieurs installations liées à la pêche. On l’appelait « la côte », comme il fallait descendre une côte abrupte pour se rendre au quai. Selon Gérard Lepage, « Cet endroit était aussi fréquenté que le perron de l’église. Un lieu de rencontre. Jeune garçon, j’allais écouter les pêcheurs raconter leurs exploits. Merveilleux souvenirs ».
En effet, le havre du Ruisseau-Leblanc comprenait plusieurs bâtiments. Sur la photo ci-haut, en bleu, le frigidaire. En rouge, une usine, et en vert, le bâtiment de Pêcheurs-Unis.
Certains citoyens se rappellent qu’il y ait eu deux usines de poisson au Ruisseau-Leblanc. Une de celles-ci, l’usine « saline », est vendue par le gouvernement en vue d’être déménagée en 1972 (Le Soleil Lac-Saint-Jean, 14 janvier 1972).
Selon Gérard Lepage, « Au début des années 1950, plusieurs pêcheurs entraient au quai à la fin de la journée. Nous pouvions acheté une cambuse pour 25 cents. Une morue avec trois ou quatre têtes et des foies. Ma mère m’a souvent envoyé acheté ce genre de régal pour le souper. ».
Près du quai se trouvait aussi le chalet du curé Miville. Toujours selon Gérard Lepage, « Dans le ruisseau qui coulait sous ce viaduc (tressel), mon frère et moi avions pêché l’éperlan qui remontait le ruisseau pour la fraie. Je me souviens aussi du chalet du curé Miville. Il y passait une partie de ses étés. De plus, à cet endroit, il y avait les entrepôts frigorifiques. Les gens louaient des casiers pour entreposer leurs viandes et poissons. Mes parents avec un casier et j’allais à bicyclette chercher de la viande ou du poisson pour ma mère. Je devais avoir 11-12 ans. Au début des années 1950, les pêcheurs entraient au quai sur la fin de la journée. Nous allions acheter de la morue et de la cambuse. Pour 50 cents, nous avions un bon repas pour quatre personnes… »
Puisque le sable s’accumulait dans la batture, de nombreuses personnes se rappellent de la pelle mécanique qui venait retirer le sable à toutes les années. Richard Poirier en témoigne : « Pour les anciens comme moi, qu’on se souvienne qu’il y avait une pelle mécanique, qui venait chaque année, enlever le sable, à l’intérieur du quai, puis transporter au large avec un remorqueur et une péniche. On appelait cette pelle drodge. ». Marcel Berthelot, quant à lui, « se souvient d’avoir passé des heures à regarder travailler ce que l’on appelait le drodge et surtout le tog qui tirait au large la barge ».
En 1978, le havre de pêche de Ruisseau-Leblanc s’incorpore dans la Gazette officielle du Québec.
Depuis 1993, le quai de Ruisseau-Leblanc est plus ou moins laissé à l’abandon (Le Soleil, 26 juin 2005), le gouvernement fédéral ayant cessé d’entretenir ses plus petits quais. Puisque nombreux d’entre eux devaient être dragués, les municipalités n’avaient souvent plus les moyens d’effectuer ces opérations. Ainsi, on ne pouvait sortir qu’avec la marée haute. À partir de ce moment, le quai se détériore. Quant à la marina, celle-ci semble avoir été mise en vente en 2013.
En 2005, un litige émerge entre la propriétaire du Café du havre, à Caplan, et le ministère des Pêches et Océans du Canada. En effet, le MPO, qui à l’époque possède le fond du terrain et un ensemble d’infrastructures portuaires sur lequel le Café est situé, exige que la propriétaire assure les réparations du quai.
Depuis, le havre connait une certaine reconnaissance. En 2025, un nouveau gîte s’y implantera, La Rassembleuse.

Plage de la rivière en 1992. Source : Gilles Babin.
Rivière-Caplan
Un havre de pêche fut aménagé à la Rivière-Caplan probablement au moment où les premiers habitants se sont installés. En 1905, on y apporte des améliorations (Le progrès du Golfe, 22 septembre 1905). Le lieu est fréquenté comme havre de pêche, et les citoyen.ne.s peuvent y pêcher et entreposer leur poisson.

La fête à Ti-Frank Poirier. C'est lui qui est posé derrière son gâteau à sa fête de 88 ans. Source : Irène Doyle.
Le phare
Il y a aurait eu une « light » à Caplan, dont un François « Ti-Frank » Poirier allait allumer la « light » dans les années 1950, selon son neveu Raymond Lancup. Elle était située au Ruisseau-Leblanc.
Selon Denise Lepage, « ma grand-mère allumait la light le soir et allait l’éteindre le matin. J’allais avec elle au bout du quai qu’on ne voit pas ici, c’était un contrat du gouvernement! ».

Le quai du ruisseau dans les années 1940. Source : Richard Poirier.
Le syndicat des Pêcheurs-Unis de Ruisseau-Leblanc
Vers 1939, un syndicat coopératif s’organise au Ruisseau-Leblanc pour assurer les intérêts des pêcheurs de Saint-Siméon et Caplan. Cela coïncide également avec la création des Pêcheurs-Unis du Québec en Gaspésie, qui unit les 3 coopératives actives de la Gaspésie (Carleton, Rivière-au-Renard et l’Anse-aux-Gascons). À la fin de 1939, huit nouveaux syndicats poussent en Gaspésie, dont celui de Ruisseau-Leblanc (Histoire de la Gaspésie (édition de 1982), p. 638-645).
Cette coopérative, de pair avec celle de Carleton, de Newport, Grande-Rivière et Sainte-Thérèse, permet aux pêcheurs de vendre leurs prises à un prix compétitif (Les bases sociales de la Coopérative de pêcheurs de Carleton, 1923-1966, mémoire par Julie Landry). La Coopérative de Carleton apporte périodiquement son soutien à la coopérative à quelques moments. Puis, à la fin des années 1950, la Coopérative du Ruisseau-Leblanc achemine du poisson vers Carleton. Elle semble exister jusqu’au moins 1957. Après, on perd sa trace…

La cabane à Évariste au village. Source : inconnue.
La cabane à Évariste
La cabane à Évariste était située à la plage du village. Cette cabane aurait pris feu en raison d’un feu de grève… Comme Bertrand Poirier se rappelle, « C’était un autre gros feu de grève organisé par une belle soirée où tout était calme. Mais après avoir allumé le feu le vent d’ouest s’est levé et les étincelles se sont retrouvées sur la cabane à M. Évariste Bourque et le toit a commencé à prendre en feu. C’était fou; le quai était en réparation, on a essayé de sortir le plus d’équipement possible (le matériel qu’il y avait dans cette cabane) alors que d’autres ont grimpé sur le toit et essayaient d’éteindre le feu avec des serviettes mouillées. Les pompiers sont arrivés, ont mis à terre notre feu de grève en deux temps trois mouvements, et ont vite fait de protéger et sauver la cabane à Évariste. Quels souvenirs qui restent imprégnés dans ma tête. Il y en a bien d’autres aussi. ». Nous perdons aussi la trace de cette cabane après le feu.
Les pêcheurs et marins
Dans le recensement de 1861, pour New Richmond, Abraham Querrie est dit « Farmer & Mariner« . Thomas Thorburn, d’Écosse, est noté comme « Sailor & Farmer« . Thomas A. Willett est également marin.