L'industrie forestière

Industries et commerces

À l’instar des autres villages gaspésiens, l’industrie forestière a été plutôt importante à Caplan.

 

Le moulin à Léo Garant à une date inconnue. Source: inconnue.

Le moulin Garant. Source : inconnue.

La place de l’industrie forestière à Caplan

 

Le commerce du bois sera bien florissant à Caplan. On doit une grande partie de cette industrie aux Garant, dont nous narrons une partie de l’histoire plus bas.

 

Dans un article du journal L’Électeur daté du 10 septembre 1894, l’on mentionne qu’il y aurait eu un moulin à bois, possiblement à Saint-Alphonse: « L’honorable M. Taillon, premier ministre de la province de Québec et ses amis, de passage à Caplan, sont moulés cet après-midi visiter la colonie belge. Après avoir visité la chapelle, le presbytère et le moulin à vapeur à scier le bois, ces messieurs ont pris le thé chez M. Charles Bruich. Ils sont descendus prendre leur souper chez Mgr Bossé, curé de St-Charles de Caplan. ».

 

Dans une coupure de presse du Soleil du 30 septembre 1899, on apprend que les deux moulins en opération à Caplan (et derrière, à Saint-Alphonse) offrent du travail aux jeunes gens et que cela participe à lutter contre l’exode aux États-Unis. On produit du bois à Caplan pour le chauffage, du bois à pâte, et des traverses de chemin de fer.

 

Au tournant du 20e siècle, des grandes industries s’implantent à la bouche de grandes rivières. Parmi celles-ci, la Canadian Lumber co. à Caplan (Mercantile Agency, 1901).

Un des moulins Garant. Source : inconnue.

Les Garants, tenanciers de moulins

 

Les premiers moulins à scie à apparaître dans les Mercantile Agency sont ceux des Garant à Rivière-Caplan.

 

Dans le recensement de 1861, François Garant, 49 ans, est dit « millwright » (opérateur de moulin). Ce n’est toutefois pas clair s’il s’agit d’un moulin à scie ou à farine. Ses enfants semblent trop jeunes pour participer à l’industrie familiale. Dans tous les cas, il s’agit de la mention la plus antérieure que nous avons du métier de François Garant.

 

Dans le recensement de 1871, François Garant, 58 ans, est dit « millright & miller« . Ses deux fils, Joseph et André, sont aussi dits « millers« .

 

Dès le mois de septembre 1879, on voit apparaître un « carding and grist mill » à Caplan tenu par un dénommé François Garant (Mercantile Agency, 1879) – pour la première fois, car il n’y en aurait pas eu avant. Est-ce le père ou le fils? La question reste ouverte.

 

Dans le recensement de 1881, François junior est « mouligner »; son père est ingénieur. Napoléon Garant est aussi cardeur. En 1889, il semble ouvrir son magasin général (Montreal : Her past, present and future : her history from 1535 to 1889, 1890).

 

Le recensement de 1891 ne nous donne pas de nouvelles précisions; les Garant sont tous dits cultivateurs. Dans les bottins de la Mercantile Agency, en 1891, le fils de François semble prendre la relève : Joseph Garant sera le seul à avoir un moulin jusqu’en janvier 1894 où se rajoute d’autres membres de la famille : Francis Garant (« saw mill« ), Gabriel Garant (« general store & mills« ), en plus de Napoléon qui a toujours son magasin (Mercantile Agency, 1894). En 1894, Joseph Garant est toujours là.

 

En septembre 1894, cela semble être Francis Garant qui reprend les opérations, car on indique dans les livres de la Mercantile Agency qu’il fait affaires dans le secteur des « grist, saw mill and carding mill ». Jos disparait aussi à ce moment. Sont aussi en affaires Napoléon avec son magasin général. Gabriel n’est plus indiqué (Mercantile Agency, 1894). En septembre 1895, seuls Francis et Napoléon sont en affaires (Mercantile Agency, 1895).

 

En janvier 1896, Francis Garant n’est plus là, mais Joseph Garant est revenu en poste – si c’est le même (Mercantile Agency, 1896). C’est lui qui gère tous les moulins à bois et à carder. Napoléon est toujours en affaires avec son magasin général; ce sont les deux seuls Garant à être présents.

 

À la fin 1897, Joseph Garant est toujours propriétaire de moulins à scie et à carder, mais se rajoute André Garant comme opérateur de moulin à bois (Mercantile Agency, 1897). Napoléon est toujours présent. Il quitte momentanément en 1902 et revient en 1903. Il quitte définitivement en 1908 (Mercantile Agency, 1908).

 

Pendant de nombreuses années suivant cela, Joseph Garant et ses moulins à bois et à carder ainsi qu’André Garant seront les seuls de cette lignée à tenir des moulins. Toutefois, en 1921, André Garant semble être remplacé par Georges Garant. Joseph Garant est toujours présent (Mercantile Agency, 1908).

 

En 1922, trois frères Garant sont en affaires : Joseph Garant (« Saw, Grist & Carding Mills« ), George Garant (« Saw Mill« ) et de nouveaux joueurs entrent en jeu : Xavier Garant et Frères (« Carding mills« ) (Mercantile Agency, 1922). C’est donc dire que deux Garant ont des moulins à carder en même temps!

 

Cette situation ne semble durer qu’une seule année, car en 1923, seul Joseph Garant est tenancier d’un moulin à scie et à carder (Mercantile Agency, 1924).

 

En 1925, deux tenanciers de moulins à carde sont recensés dans les bottins de la Mercantile Agency : Joseph Garant et T. Garant (Mercantile Agency, 1925). T. est pour Timothée. Œuvrent-ils pour les mêmes moulins? C’est difficile à dire. La situation reste la même de 1927 à 1931. En 1931, ce sont toujours Joseph et T. Garant qui ont des moulins (Mercantile Agency, 1931).

 

En 1937, la famille Garant opère toujours deux moulins à scie. Ce sont Thimothée et un nouveau venu, J. A. Garant, qui les opère. En 1937, « Celle (NDLR: l’industrie) de M. Th. Garant emploie 4 hommes et ne fonctionne qu’une journée par-ci par-là. Il ne travaille qu’à commission pour les cultivateurs. Il scie environ 80 000 p.m.p. par année. » (Inventaire des ressources naturelles et industrielles, 1937). Celle de J. A. Garant « emploie 5 hommes, dont deux font partie de la famille du propriétaire. Durant ses cinq à six mois d’activité, le moulin scie 163 000 p.m.p. de bois d’œuvre et 300 000 bardeaux. Tout le bois brut, 273 000 p.m.p. provient des terres des cultivateurs. Environ 100 000 p.m.p. de ce bois sont sciés à commission. Les 63 000 p.m.p. qui restent et les bardeaux sont vendus à M. Shell, marchand de bois de New-Richmond » (Inventaire des ressources naturelles et industrielles, 1937).

 

En 1962, Léo Garant semble s’être complètement reconverti à l’industrie du bois (Répertoire des manufactures de la province de Québec, 1962), et les carderies semblent fermées.

 

Le commerce de bardeaux

 

Le commerce à bardeaux est relativement florissant à Caplan. Tout au long de l’histoire de Caplan, des moulins produisant du bardeau de cèdre sont opérés par de vaillants citoyens.

 

 

 

 

Thomas McLellan

Joseph Henry

Brinck Bros & Co

Joseph G. Cyr

F. E. Léonard

Jos.-N. Bernard

Entre 1883 et 1892, Thomas McLellan opère un moulin à bardeaux (Mercantile Agency, 1883 à 1892), avant de se réorienter dans les magasins généraux et d’opérer un moulin à scie régulier.

En 1893, Joseph Henry a un magasin général et est commerçant de bardeaux à Caplan et Bonaventure (Mercantile Agency, 1894). En 1897, il est présent au Ruisseau-Leblanc et à Petit-Bonaventure (Saint-Siméon) (Mercantile Agency, 1897).

Les moulins Brink Bros & Co apparaissent en janvier 1894 dans le bottin de la Mercantile Agency. En 1896, on indique bien qu’il s’agit de « shingles mills » (Mercantile Agency, 1896) et c’est plutôt le nom de Charles Brinck qui apparait. Il disparait du registre en septembre 1898 (Mercantile Agency, 1898).

En 1898, alors qu’il œuvrait plutôt dans les magasins généraux et la vente de homard, Joseph G. Cyr se reconvertit en marchand de bardeaux. Dans le journal Le Soleil du 6 novembre 1899, on apprend l’ouverture de son moulin à bardeaux.

 

Le moulin de Joseph G. Cyr ne restera pas longtemps. Selon Louise Landry, « Joseph Gordon Cyr s’établit à Caplan, épouse la jeune sœur du premier curé de l’endroit, et ouvre un magasin général juste en face de l’église actuelle, sur le front de mer. Il a aussi tenté sa chance avec une scierie, expérience désastreuse puisque son fils y subira un accident mortel à l’âge de 21 ans. Joseph Gordon est né à Maria en décembre 1850. Le 17 septembre 1879, il épouse à Caplan, Malvina Chrétien. Il est décédé à Caplan le 13 avril 1935, à l’âge de 84 ans. » Selon Paulette Cyr, le moulin à scie se trouvait au 4e Rang de Caplan, aujourd’hui Saint-Siméon.

Le marchand F. E. Léonard est un marchand de bardeaux à Caplan en 1899 (Mercantile Agency, 1899).

 

 

En 1910, dans une coupure de presse du journal Le Soleil datée du 6 octobre 1910, on apprend que Jos.-N. Bernard de Caplan vend son moulin à bardeaux et un ensemble d’appareillages:

 

« Moulin à vendre de première classe, situé à deux milles et demi de la station et du quai de Saint-Charles de Caplan. Un engin de 30 forces, une chaudière de 35 forces chevaux-vapeur, un « carrage », un moulin à bardeaux Dumbar, une « drague-saw » et tous les agrès de chantier, tels que traîne double, chaînes et « plevy », le tout pour être vendu à de très bonnes conditions. Pour informations, adressez-vous à Jos.-N. Bernard, Saint-Charles de Caplan, Co. Bonaventure. »

Le pont Garant en 1944. Source : inconnue.

D’autres commerçants

 

  • Dans le recensement de 1861, certaines personnes sont dites « miller« , probablement en lien avec l’industrie forestière, dont William Robertson, George Gilker et William Montgomery, peut-être situées davantage dans le secteur Black Cape.
  • En 1906, la compagnie Tracadie Lumber s’installe à Caplan et projette d’y construire une usine (Le progrès du Golfe, 28 septembre 1906).
  • Au Ruisseau-Leblanc, selon l’ouvrage Vastes champs, en 1914, Elzéar Arsenault, Joseph Cyr, et M. Robichaud ont des moulins à scie.

Et aujourd’hui?

 

Caplan compte au moins un moulin aujourd’hui, le moulin à scie Glazer, situé dans le 3e Rang Ouest. Ce moulin est tenu depuis 2 générations de Glazer (Elfège, puis Dany). C’est Elfège qui a décidé, dans les années 1970, de construire un petit moulin à scie. Adolescent, Dany travaille au moulin de son père, puis en devient propriétaire en 2000. Après quelques années, il décide de se construire un nouveau moulin plus moderne, et vend le moulin familial. Dans l’Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel de l’Université Laval, on mentionne que « Fonctionnant de 32 à 36 semaines par année, les soirs de semaine et le samedi, la Scierie Dany Glazer perpétue une tradition familiale. La scierie se spécialise dans le sciage et le planage du bois pour le marché local. La Scierie Dany Glazer ne vend pas son bois, elle scie pour les particuliers et les revendeurs. Le moulin s’occupe principalement de la première transformation du bois avec le sciage. Il fait toutefois un peu de finition à l’étape du planage, notamment pour le bois de patio et les lattes de lambris. Pour faire fonctionner le moulin, il doit toujours y avoir trois hommes à l’intérieur. Il y a d’abord le scieur et le « quinteur » qui s’occupent des billots de bois et, finalement, la personne responsable de nettoyer et de ranger le bois scié. Habituellement, Dany Glazer travaille avec son père, Elfège Glazer, et l’un de ses oncles. Dany Glazer scie plusieurs essences de bois, notamment le pin, le sapin, l’épinette, l’érable, le merisier, le mélèze et le bouleau. Toutefois, une grande partie de la production est fait à partir du cèdre, très présent dans cette région du Québec. La technique du sciage est similaire pour l’ensemble des essences de bois, seule la vitesse de la scie peut changer selon le type d’arbre. Son propriétaire, Dany Glazer, compte bien continuer encore plusieurs années avec l’aide de son père. ».

Des travailleurs au chantier de Samuel Bourdages et de Valmore Bernard en 1935. Source : inconnue.

Les camps de bûcherons

 

Il y avait un camp de bûcheron tenu par Samuel Bourdages et Valmore Bernard sur la branche de l’est de la Grande Cascapédia. Des citoyens de Caplan y auraient travaillé.

 

Plusieurs citoyen.ne.s se rappelent des petits camps de bois rond, situés aux abords des bois et sur le bord des chemins dans les rangs de Caplan, qui existaient toujours jusqu’à récemment. Jacinthe Lepage nous en partage un souvenir: « J’y suis allée avec mon père pour luncher, comme il disait. Il m’emmenait dans les bois, soit pour tendre des collets à lièvres ou « sortir » des billots de bois de ses terres à bois avec sa jument Bessy. On se faisait des petits feux en plein air faits avec des branches croisées en tréteaux. P’pa y faisait chauffer son thé en feuilles dans une canne de conserve suspendue au tréteau. Il nous faisait des cônes en écorce de bouleau pour y boire. Où on retrouvait des pylônes électriques, on avait déjà vu des ours bruns. P’pa m’avait dit qu’ils venaient parce qu’il y avait beaucoup de bleuets et de framboises sauvages près des pylônes, surtout. On parle des années fin 60. ». Jacinthe se rappelle de deux bâtiments spécifiques: une grange noire en bardeaux de cèdre vieilli et un camp noirci.

 

Gérard Lepage renchérit: « Jacinthe, au Rang 3 Est, ton père et ton oncle Eugène avaient des terres à bois et des champs en culture (foin, avoine, orge). Il y avait un petit camp sur la partie d’oncle Sifroy et Stéphane. Il y avait également une grange pour remiser le foin que l’on venait chercher plus tard quand les réserves baissaient dans les granges près des maisons. Dans ce camp, nous y prenions nos dîners durant la période des foins ou pendant l’hiver quand on bûchait le bois. Ça sentait souvent le créosote. Il y avait un petit poêle à bois pour préparer le thé et faire chauffer le repas. Le bois utilisé n’était pas toujours assez sec. J’y suis souvent allé avec Eugène et Stéphane. Il y avait une source d’eau très froide qui coulait en bas du terrain. C’est mon frère Raymond et moi qui allait chercher l’eau pour abreuver les hommes et les chevaux. ».

 

Ainsi qu’André-Gilde Poirier: « J’ai connu un chalet semblable, étant jeune, alors que j’allais avec mon père à la chasse au chevreuil. Si je me souviens bien, c’était au 6e rang. ».

 

Et Ian Brière: « Il en restait encore un à l’extrémité ouest de la rue des Lilas au sud du chemin de fer… un camp en bois rond d’ouvriers du CN je pense bien… la dernière fois que j’y suis allé en marchant était en 2007. ».

Petit camp de bois rond. Source : Jacinthe Lepage.

Des citoyen.ne.s de Caplan dans le bois en 1941. Source : Jean-François Chicoine.

La drave

 

En 1937, les citoyens de Caplan s’adonnent aux activités liées à la coupe et au flottage du bois. Selon l’Inventaire des ressources naturelles et industrielles de 1937, une centaine de citoyens y travaillent un mois l’été, deux mois l’automne et un mois l’hiver. Y a-t-il eu de la drave sur la rivière Caplan? Nous n’avons pas trouvé de témoignage pointant vers cette affirmation, bien qu’il y ait certainement eu de la drave sur le ruisseau Creux.